L’avocat Thibault de Montbrial avant l’ouverture du procès de l’affaire Paty, le 4 novembre 2024 – AFP STEPHANE DE SAKUTIN
La première journée d’audience au procès des huit personnes impliquées à des degrés divers dans l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, le 16 octobre 2020 près de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), s’est achevée lundi soir sans que la cour d’assises spéciale de Paris entende les voix des accusés. Les premiers mots des accusés sont attendus mardi matin à la reprise de l’audience avec l’examen de personnalité de Naïm Boudaoud, 22 ans, et du Russe d’origine tchétchène Azim Epsirkhanov, 23 ans, les deux seuls hommes poursuivis pour complicité d’assassinat terroriste, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Les deux hommes étaient, selon l’accusation, des amis d’Abdoullakh Anzorov, un jeune islamiste radical russe de 18 ans d’origine tchétchène, qui a poignardé et décapité le professeur Paty à la sortie de son collège. Naïm Boudaoud qui a conservé un air très juvénile et Azim Epsirkhanov, tiré à quatre épingles dans le box, portant veste et cravate, sont notamment accusés d’avoir accompagné Anzorov dans une coutellerie de Rouen la veille de l’attentat.
Voir la déclaration de Thibault de MONTBRIAL :
Tué par la police peu après son acte, Anzorov est le grand absent du procès. Dans l’après-midi, la cour poursuivra l’examen de personnalité de plusieurs autres accusés dont celui de Priscilla Mangel, 36 ans, la seule femme à être jugée et qui comparaît libre, sous contrôle judiciaire. Convertie à l’islam à l’âge de 16 ans, Mme Mangel est apparue dans plusieurs procédures antiterroristes. L’accusation lui reproche notamment d’avoir échangé « de manière discrète » sur le réseau Twitter (devenu X) avec Abdoullakh Anzorov, « dont l’idéologie n’était pas dissimulée ». Sous pseudonyme, elle aurait notamment présenté à Anzorov le cours de Samuel Paty comme « l’illustration de la guerre menée par les institutions républicaines contre les musulmans ». Ce genre d’échanges a « conforté » l’assaillant dans son projet, estime l’accusation. Comme cinq autres accusés, elle comparaît pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle et risque 30 ans de réclusion criminelle. Les premiers interrogatoires des accusés sur les faits débuteront le 20 novembre. Il faudra attendre mercredi pour entendre Brahim Chnina, Marocain de 52 ans, le père de la collégienne qui a menti sur Samuel Paty en racontant faussement que le professeur avait demandé aux élèves musulmans de quitter sa classe avant de montrer des caricatures de Mahomet et Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste franco-marocain de 65 ans. Les deux hommes, en détention provisoire depuis quatre ans, sont dans le box pour avoir massivement relayé les mensonges de l’adolescente sur les réseaux sociaux dans le but, selon l’accusation, de « désigner une cible », « susciter un sentiment de haine » et « ainsi préparer plusieurs crimes ».
L’assassinat de Samuel Paty, survenu en plein procès des attentats du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo, a constitué une onde de choc dans la société française.
« La mécanique tragique qui a abouti au martyre de Samuel Paty révèle la profondeur de l’entrisme islamiste en France et sa porosité avec le terrorisme. Son exposition en détail en audience publique doit non seulement aboutir à la condamnation sévère de ceux qui y ont concouru, mais aussi permettre une prise de conscience de notre société face à un péril mortel », souhaitent Thibault de Montbrial et Pauline Ragot, avocats de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné.
Le procès devrait être l’occasion d’évoquer la figure de Samuel Paty, un homme « esseulé, apeuré, aux abois », selon les magistrats instructeurs.
« Je suis menacé par des islamistes locaux », écrit-il à ses collègues le 10 octobre 2020, quatre jours après son cours sur la liberté d’expression. A aucun moment, l’enseignant menacé ne bénéficiera d’une protection policière. Lui qui a l’habitude de rentrer chez lui à pied demande à des collègues de le raccompagner en voiture les quatre jours qui précèdent son assassinat. Sauf le 16 octobre, veille de vacances scolaires, où aucun enseignant motorisé n’est disponible. Triste symbole du sentiment d’insécurité qui l’habitait, un dérisoire marteau a été découvert dans son sac à dos après son assassinat.
Le procès est prévu jusqu’au 20 décembre.
Source : AFP (Alain JEAN-ROBERT) – TV5 Monde
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