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Le ministère public a réclamé deux ans de prison avec sursis contre Stéphane Lapeyre, ex-numéro 3 des stups, et son ancien subordonné, Jocelyn Berret, accusés d’avoir fait jouer un rôle actif à leurs informateurs dans une importation de cocaïne.
Un rôle «important et anormal». Voilà comment le procureur de la République de Paris a résumé l’implication de l’ex-numéro 3 de l’Office des stups, Stéphane Lapeyre, et de son ancien subordonné, Jocelyn Berret, dans le dossier qui leur vaut d’être jugés depuis une semaine pour «complicité de trafic de stupéfiants». Deux ans de prison avec sursis ont été requis à leur encontre. Des réquisitions très éloignées des peines encourues justifiées par l’«ancienneté des faits». Mais aussi, peut-être, par l’embarras du parquet de Paris, longtemps référent principal de l’Office des stups. Le degré de connaissance des faits par l’autorité judiciaire a été au cœur du procès, et notamment le rôle des informateurs, des «tontons» dans le jargon, dont deux étaient jugés aux côtés des policiers.
Le procureur a ainsi estimé «très regrettable» qu’il ait fallu attendre plus de deux ans avant que le juge d’instruction ne découvre incidemment leur existence dans la procédure. Une situation d’autant plus ubuesque que ces derniers sont accusés d’avoir joué un rôle actif dans le trafic. En particulier Lionel K., contre qui le ministère public a requis trois ans de prison avec sursis, et dont l’avocate, Anabelle Valverde, a souligné la «loyauté sans faille» à l’égard de ses officiers traitants. Après avoir passé «vingt ans au service de la police», il sert, désormais, dit-elle, de «fusible». En juin 2013, cinq jours après l’ouverture de l’enquête judiciaire par le parquet de Paris, c’est lui qui va récupérer, avec une fausse carte d’identité et l’aval de l’Office des stups, 80 000 euros qui viennent d’être saisis par la police de l’air et des frontières d’Orly, afin de les réinjecter dans le circuit criminel. «Un acte positif», selon le parquet, commis à la fois par Lionel K. et par «ceux qui lui ont demandé de le faire».
Des stigmates d’une période houleuse
Le montant permettra in fine à un autre prévenu, Jean Michel L., d’acheter de la cocaïne en Guyane et de l’envoyer en métropole. «L’infraction n’a été rendue possible que par et pour la police», s’offusque son avocat, Camille Loichemol, qui dénonce une «provocation policière» et des «méthodes de voyous». Mais pour l’avocat du commissaire Stéphane Lapeyre, Thibault de Montbrial, le trafic préexistant auquel se livrait Jean Michel L. a été établi par l’enquête. Et les policiers n’ont fait que provoquer la preuve de l’infraction, et non l’infraction elle-même.
«Ce procès est suicidaire pour notre justice et notre lutte contre les stups», s’emporte le pénaliste à la barre, avant de dénoncer un «règlement de comptes» entre la Juridiction interrégionale spécialisée de Paris et l’Office des stups. Des stigmates selon lui d’une période houleuse, au début des années 2010, quand certaines «pratiques anciennes» étaient encore tolérées. Avant que l’affaire dite d’Exelmans, la saisie de sept tonnes de cannabis en octobre 2015 en plein Paris, appartenant à un indic des stups, envenime les relations entre policiers et magistrats. «Il ne faut pas lui faire payer des fonctionnements qui le dépassaient», insiste Thibault de Montbrial au sujet de son client, décrit comme un «moine soldat» et aujourd’hui patron adjoint de la PJ de Bordeaux.
«On n’a rien pour protéger les informateurs»
Un argument repris par l’avocate de Jocelyn Berret, Anne-Laure Compoint, qui a dénoncé un «dossier bancal» et rappelé que le policier n’agissait pas en toute autonomie et devait lui aussi rendre des comptes à sa hiérarchie. A commencer par le grand patron de l’époque, François Thierry, renvoyé aux assises dans une autre affaire, mais qui a finalement échappé aux poursuites pénales. «En France, on n’a rien pour protéger les informateurs, c’est ça le nerf de la guerre», s’est indignée l’avocate, qui a plaidé la relaxe pour son client. La décision du tribunal a été mise en délibéré au 20 décembre.