Vincent Lafon a comparu jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir consulté des fichiers confidentiels. Sa compagne, une joueuse de poker, elle est accusée d’escroquerie en se faisant passer pour une avocate. Le procureur demande un arrêt définitif d’exercer ses fonctions de policier.
C’est un couple surprenant. Le commissaire divisionnaire, Vincent Lafon, et une ancienne joueuse de poker ont comparu devant le tribunal correctionnel de Paris, ce jeudi 14 mars. Le commissaire est entendu pour des faits de détournement de données personnelles. Sa compagne, absente à l’audience, est prévenue pour s’être fait passer pour une avocate et pour escroquerie. Le délibéré sera rendu le 28 mars. Les faits remontent à novembre 2018, lorsque la femme rencontre un gérant de bar à chicha dans le XVIIIe arrondissement de Paris. La femme, âgée de 42 ans, joueuse « invétérée » de poker, participe aux parties dans le sous-sol du bar. « Très vite, cette relation va au-delà des soirées poker entre amis », lit la présidente. La femme se fait passer pour une avocate du cabinet Cohen à Paris, et propose au gérant du bar de retrouver son permis de conduire perdu en 2017… Elle demande 3 400 euros. Un acompte de 1 150 euros en liquide lui sera donné en main propre, en novembre 2018. Rien n’est signé. Tout se fait sur la confiance.
Une escroquerie à 2 800 euros… en liquide
En janvier 2019, l’homme relance la femme sur son dossier. La femme lui répond qu’il a de nombreuses amendes à payer et 47 infractions. Elle obtient cette information confidentielle de la part de son compagnon, Vincent Lafon, commissaire de police, alors en poste à la sûreté territoriale. Cette « jolie femme » souffre d’épilepsie et de troubles psychiques. Son handicap est reconnu à 76 %. « Elle n’a pas conscience de commettre une infraction, puisqu’elle ne sait pas que ce qu’elle dit provient d’un fichier confidentiel », relate son avocat, Me Daniel Merchat. En mai, la voiture du gérant part à la fourrière. Elle le rassure par SMS : « Ça va sûrement le faire. Laisse moi deux heures. » Elle a facilité la levée de l’immobilisation de son véhicule par les relations de son compagnon policier. Selon le plaignant, il lui aurait donné au total 2 800 euros en liquide et ne récupère jamais son permis, ni l’argent… En juin, elle lui explique que Me Cohen va l’appeler en personne, car elle est malade. Aucun appel.
« Une mythomane »
« Elle est décrite comme une mythomane, plaide l’avocate de la partie civile. Elle bluffe. Mon client est tombé dans le panneau. À plusieurs reprises, elle lui dit qu’elle est aux assises et qu’elle plaide. » Vincent Lafon a rencontré sa compagne en mars 2019. « Elle me disait qu’elle était danseuse, joueuse de poker et collaboratrice aux services de police », confie Vincent Lafon. L’homme amoureux l’aide à se réinsérer et lui trouve un travail de serveuse dans un bar, place de la Bastille à Paris. Coup de théâtre en août, lorsque le gérant du bar à chicha se rend sur ,les lieux pour réclamer son argent. La discussion est plutôt « cordiale ». En partant, l’homme se fait interpeller pour conduite sans permis. Ce soir-là, il devait voir Me Cohen. « Vous avez décidé de contrôler son véhicule à un moment qui n’est pas anodin », explique la présidente.
« Ce commissaire, par amour, a tout fait pour sauver cette femme en détresse »
Vincent Lafon a déjà été condamné en 2008 pour « abstention volontaire d’empêcher un délit », dans l’affaire des enjoliveurs, une affaire de violences policières dans laquelle un homme interpellé avait fini avec un cerceau d’enjoliveur entre les fesses. Bilan : un nez cassé, sept jours d’ITT. Vincent Lafon était sur les lieux et avait laissé faire. Il avait été suspendu. Lors de l’affaire Théo, 2017, il était en poste à la tête du commissariat d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Depuis, sa carrière est « complètement entre parenthèses à cause de ça ».
Son avocat salue « son exemplarité, son sang-froid, sa loyauté » et « un infatigable meneur d’homme ». « C’est vingt ans de service exceptionnel qu’un avocat doit résumer en cinq minutes, plaide Me Louis Cailliez. Face à ce couple original, vous devez comprendre le processus mental de ce commissaire qui, par amour, a tout fait pour sauver cette femme en détresse. On ne détruit pas une carrière de ce calibre pour une consultation de TAJ (fichier de traitement des antécédents judiciaires) faire pour aider et non pour nuire. »
Le procureur demande dix-huit mois d’emprisonnement pour Vincent Lafon, trois ans de privation des droits civiques, ainsi que l’arrêt définitif d’exercer ses fonctions de policier. Pour sa compagne, une réquisition de douze mois d’emprisonnement avec deux ans de sursis est demandée.