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Absent à l’audience, le rappeur était jugé ce mardi 7 mars pour avoir injurié l’ex- journaliste de Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui. Il avait réagi aux propos très polémiques qu’elle avait tenus sur un plateau télé. Elle y appelait la police à « tirer à balles réelles » après un épisode de
violences urbaines dans les Yvelines.
« Pourrissons la vie à cette grosse merde puante. » Impossible de disconvenir que le propos est injurieux. « Basiquement injurieux », a même concédé Me Yann Le Bras, l’avocat de Booba, ce mardi devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de- Seine). La star du rap y était jugée pour avoir publié, sur son compte Instagram suivi par des millions d’abonnés, ces mots directement adressés à Zineb El Rhazoui, le 6 novembre 2019. C’était au lendemain de la sortie très polémique de l’ex-journaliste de Charlie Hebdo, sur le plateau de l’émission de Pascal Praud sur CNews. Le plus sérieusement du monde, au sujet d’un épisode de violence urbaine à Mantes-la-Jolie (Yvelines), elle avait lâché : « Il faut que la police tire à balles réelles. » À l’appui de cet avis tranché, les internautes « unanimes », selon elle, sur les réseaux sociaux. Sans surprise, cette phrase avait déclenché d’innombrables réactions. Dont celle de Booba, à laquelle l’ex journaliste de Charlie Hebdo a répondu par une plainte avec constitution de partie civile qui a abouti au procès du rappeur.
Ni lui ni elle ne se sont déplacés pour l’audience, qui s’est donc tenue avec Me Le Bras pour Booba, et Me Thibault de Montbrial, conseil de Zineb El Rhazoui. L’ex-journaliste de Charlie Hebdo sous protection policière L’un et l’autre ont tenu à remettre les propos qui ont déclenché la polémique, puis l’injure, « dans le contexte ». « Cet épisode de violence urbaine particulièrement dur, où des policiers ont été blessés », a insisté Thibault de Montbrial. « Elle a fait de l’événement de Mantes-la-Jolie quelque chose qui n’a aucune pertinence », a au contraire développé l’avocat de Booba. « Il faut avoir l’historique en tête. D’abord l’interpellation de lycéens, filmée par les policiers avec les mains sur la tête en 2018. Puis il y a eu plusieurs épisodes, jusqu’à l’événement du 6 novembre 2019. Des cailloux jetés sur les policiers qui ont répondu avec du gaz lacrymogène. Mais après, quand il y a des blessés après tirs de LBD, elles deviennent quoi ces affaires ? Alors entendre quelqu’un dire sur un plateau télé qu’il faut tirer à balles réelles… »
« Elle aurait pu mieux expliquer sa position », abonde le procureur, Jean-Pascal Oualid, pour qui la sortie de Zineb El Rhazoui est au moins « maladroite ». Pas surprenant alors qu’ils aient déclenché « la tempête de merde » (un shitstorm sur les réseaux sociaux). « Sauf que Booba a participé à cette tempête en tenant les propos injurieux et alors que la mayonnaise montait, montait, je ne vois pas pourquoi il a amorcé une sorte de fatwa. C’est franchement nauséabond. » Le procureur fait référence à un deuxième message posté par le rappeur, une semaine après le premier. « Des milliers de messages ont répondu à celui de Booba, jusqu’à ce qu’un certain Sambo54000 poste Allah va se charger d’elle, relate Me de Montbrial. Et Booba répond : On peut commencer en attendant, hein, avec un pouce levé. Pour cela, nous avons déposé plainte pour incitation au meurtre. » L’avocat de Zineb El Rhazoui a rappelé les menaces qui pèsent sur sa cliente, qui a échappé aux attentats de Charlie Hebdo parce qu’elle était en congés. « Depuis, elle vit sous protection policière, des gens qui font des amalgames la considèrent comme une islamophobe. Nous avons déposé 35 plaintes pour menaces de mort.
Booba ne pouvait pas ignorer l’impact de sa réaction, qui dépasse largement ses propos débiles. »
«Que vient dire Booba ? Que le débat est puant » « Elle avait un engagement contre l’islamisme radical dans ses articles, elle vit sous protection policière. J’en suis parfaitement informé. Booba, non, a plaidé l’avocat du rappeur. Je pense qu’elle, comme lui, vit dans une tour d’ivoire. Quand ils s’expriment sur la place publique, c’est avec des postulats radicaux. » Ceci dit, Zineb El Rhazoui est « allée très loin dans la polémique, en restant bien droite dans ses bottes », appuie Me Yann Le Bras. « Que vient dire Booba ? Que le débat est puant, qu’elle a des idées puantes. Un intellectuel parlerait de thèse nauséabonde. Grosse merde puante, c’est l’expression de Booba. » Et si tout cela se passe sur les réseaux sociaux, c’est aussi « parce qu’elle revendique les réseaux sociaux, où l’on serait unanimement d’accord avec elle ». Booba « lui a répondu sur ce terrain ». Contexte, polémique télévisuelle, réseaux sociaux… Rien n’enlève « le caractère injurieux » des mots de Booba, selon le procureur, qui a requis une amende de 10000 euros à l’encontre du rappeur. La décision sera rendue le 4 avril.