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«On va te crever, sale flic de merde» : trois hommes jugés pour avoir tenté de tuer un policier dans un train de banlieue parisienne

By 19 janvier 2025Actualités
Louis Cailliez Meurtre police Pontoise procès

Jugés à partir de lundi devant la cour d’assises des mineurs de Pontoise, trois hommes sont accusés d’avoir tenté de tuer un policier dans un train de banlieue parisienne en novembre 2021. Ici, l’entrée du tribunal judiciaire de Pontoise (photo d’illustration). Guillaume POINGT / Le Figaro.

RÉCIT – En novembre 2021, un jeune policier de 26 ans a été roué de coups et étranglé dans un train de la ligne H, dans le Val-d’Oise. Le fonctionnaire aurait pu mourir sans l’intervention d’un passager. Le procès s’ouvre ce lundi.

Pour la partie civile, le procès qui s’ouvre ce lundi 20 janvier devant la cour d’assises des mineurs du Val-d’Oise est indiscutablement celui de la haine de la police poussée à son paroxysme. Trois individus sont jugés pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique, en l’occurrence un policier. Un quatrième pour non-assistance à personne en danger. Les accusés connaissaient-ils la profession de la victime ? C’est l’une des questions centrales du dossier. S’en prendre à une personne dépositaire de l’autorité publique constitue une circonstance aggravante qui alourdit la peine encourue.

Le 2 novembre 2021, Alexis*, jeune policier de 26 ans affecté à la brigade des réseaux franciliens (BRF), rentre chez lui en civil après sa journée de travail. Le fonctionnaire monte dans un train de la ligne H à la gare du Nord, à Paris, en compagnie d’un collègue peu avant 22h30. Ce dernier descend quelques minutes plus tard à la station «Ermont-Halte», dans le Val-d’Oise.

Un étranglement de plus d’une minute

C’est à cet instant que la situation dégénère. Alors que le train est immobilisé à la station «Gros Noyer – Saint-Prix», à Ermont, quatre individus, qui viennent d’agresser un premier passager, s’approchent d’Alexis pour lui demander une cigarette. Selon les déclarations du policier, des menaces sont proférées : «On sait que tu es flic ! On va te défoncer, on va te crever ! On sait où tu habites dans le 95 !».

Deux individus du groupe assènent soudain une vingtaine de coups de poing et de pied au jeune policier, notamment au visage. La scène, d’une violence inouïe, dure six longues minutes. L’un d’eux étrangle ensuite le fonctionnaire, en passant son bras droit autour de son cou, pendant plus d’une minute. «Je vais te tuer», vocifère l’agresseur, sous les yeux de témoins.

L’intervention d’un passager met fin au calvaire du policier, dont des râles d’agonie commençaient à se faire entendre. À chaque instant de son agression, le policier a craint que ses agresseurs, qui tentaient aussi de lui voler des affaires personnelles, s’emparent de son arme de service.

Périple ultraviolent

Les individus finissent par prendre la fuite en gare de Saint-Leu-la-Forêt. En état de choc, le policier s’en sort avec un traumatisme crânien, une fracture du nez et de multiples contusions. Le quatuor, lui, poursuit son périple ultraviolent et s’en prend à une femme. La victime est attrapée par les cheveux et mise au sol. Ses clés lui sont volées. Visiblement hors de contrôle, les quatre individus tentent enfin de cambrioler le domicile d’une femme situé dans une petite commune du Val-d’Oise.

Ils sont finalement interpellés par la police municipale et la gendarmerie. Parmi eux, trois majeurs nés en Guadeloupe : Lorenz M., un cuisinier de 19 ans, Wesley B., un cuisinier de 23 ans père d’un enfant, et Meddy M., un chômeur de 25 ans, handicapé et sous tutelle, père d’une fille. Lorenz M. et Meddy M. ont un casier judiciaire vierge. Wesley B., lui, est connu de la justice pour trafic et usage de stupéfiants ainsi que conduite sans permis. Le quatrième suspect, Ethan**, est âgé de seulement 16 ans. Né au Portugal, il est connu de la justice pour des violences dans un établissement scolaire ainsi que rébellion et outrage envers une personne dépositaire de l’autorité publique. En conflit avec ses parents, il n’est resté qu’un mois à l’école de la deuxième chance. Il est suspecté des violences les plus graves envers Alexis.

Les quatre individus se sont rencontrés le jour des faits à Persan, dans le Val-d’Oise puis se sont rendus ensemble à Paris. Une fois dans la capitale, ils disent avoir consommé de l’alcool, sept à huit bouteilles de whisky et de rhum, avant de reprendre le dernier train vers Persan-Beaumont. Selon Ethan, Wesley B. lui aurait alors proposé de «racketter des gens dans le train».

Au fil de l’enquête, le mineur finit par reconnaître les nombreux coups portés au policier ainsi que l’étranglement, «pour lui faire peur», tout en niant avoir voulu le tuer. Les accusés savaient-ils qu’Alexis était policier ? La version du fonctionnaire n’a jamais varié depuis novembre 2021. Le terme «sale flic de merde», assure-t-il, a été répété tout au long de son agression.

À l’inverse, les déclarations des accusés n’ont cessé d’évoluer tout au long de l’instruction. Lors de sa première audition, Wesley B. expliquait ainsi qu’Ethan avait été d’autant plus énervé quand Alexis, pensant calmer les ardeurs de ses agresseurs, avait sorti sa carte de policier. Changement de cap lors de la confrontation en avril 2023 : tous assurent désormais qu’ils ignoraient la profession de l’homme agressé. Ils s’en seraient pris à lui par hasard.

Mon client a été longuement étranglé parce qu’il avait le malheur d’être policier (Me Louis Cailliez)

Plus de trois ans après les faits, le policier reste très affecté psychologiquement. Le fonctionnaire a quitté Paris avec sa compagne pour poursuivre son métier en province. « Mon client est déterminé à obtenir justice et attend énormément de ce procès. Il s’est vu mourir. C’est un homme solide mais une partie de sa vie lui a été volée », explique au Figaro Me Louis Cailliez.

« Les accusés se sont acharnés sur un homme isolé pendant 7 interminables minutes, pour en finir avec lui, et en sachant très bien qu’il était policier. Ce critère a même motivé la tentative de meurtre : mon client a été longuement étranglé parce qu’il avait le malheur d’être policier. Le crime de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique reproché aux trois principaux accusés est l’un des plus graves prévus par le Code pénal. Nous faisons pleinement confiance à la cour d’assises pour punir les coupables d’un tel crime », poursuit Me Cailliez.

«Il est satisfaisant que la tentative d’homicide volontaire, avec au bout les assises, ait été retenue. Notre collègue a été attaqué pour la seule raison qu’il est engagé dans la protection de la population française», réagit de son côté Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat de police Un1té, qui s’est constitué partie civile dans ce dossier. «Je ne crois pas qu’on changera la nature des criminels qui s’en prennent lâchement en bande à un policier hors service. Mais le message doit être clair : il faut mettre fin aux requalifications délictuelles de ce type de faits qu’on observe trop souvent. Notre collègue a manqué de mourir. L’État et ses institutions ne doivent plus faillir», poursuit la syndicaliste.

Contactés, les avocats des trois principaux accusés n’ont pas souhaité s’exprimer avant l’audience ou n’ont pas répondu à nos sollicitations. Lors du procès, la défense pourrait jouer la carte des violences en réunion et tenter de démontrer que les accusés ne savaient pas qu’Alexis était policier.

«Mon client a fait 4 mois de détention provisoire dans ce dossier jusqu’à ce que les investigations techniques démontrent qu’il n’avait en rien participé aux faits de tentative de tentative de meurtre reprochés aux autres accusés avec lesquels ils se trouvaient ce soir-là», indique au Figaro Me Sandy Corler, l’avocate de Meddy M. «Il doit aujourd’hui comparaître pour des faits de non-assistance à personne en danger, infraction qu’il a toutes les difficultés à comprendre puisqu’il est sous tutelle et mentalement retardé avec un âge mental estimé entre 9 et 12 ans par les experts. Il appréhende l’audience à venir notamment au regard de la qualité de fonctionnaire de police de la victime. Il éprouve de la tristesse pour celui-ci mais conteste pour sa part toute forme de culpabilité», poursuit l’avocate.

Le procès se déroule à huis clos et devant une cour d’assises des mineurs en raison de la minorité d’un des accusés, Ethan, au moment de l’agression. Ce dernier risque 20 ans de prison. L’excuse de minorité peut néanmoins être levée par la justice, ce qui porterait la peine qu’il encourt à 30 ans. Les deux autres principaux accusés, Lorenz M. et Wesley B., majeurs lors des faits, risquent quant à eux la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict sera rendu vendredi 24 janvier.

*Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat de la victime.

** La loi interdit aux journalistes de donner le prénom d’un accusé mineur au moment des faits.

Source : Guillaume Poingt pour LE FIGARO