Sept ans après « l’affaire Théo », du sursis requis aux assises contre les policiers
L’avocat général a réclamé trois ans de prison avec sursis contre l’auteur du coup de matraque qui a gravement blessé Théodore Luhaka, trois et six mois de sursis pour ses coéquipiers. La cour d’assises doit rendre son verdict vendredi.
Au huitième jour d’audience devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, jeudi 18 janvier, Antoine Vey plaide dans une salle comble. Pour la dernière fois peut-être, l’avocat de Théodore Luhaka porte la voix d’un jeune homme « rayonnant, charismatique, intelligent », qui « s’est toujours tenu très loin de la violence » et a subi « un préjudice irréparable ».
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Un duo d’avocats plaide l’acquittement pour Marc-Antoine C., le principal accusé.
« Le premier jour, peut-être que certains d’entre vous ont voulu voir le visage du monstre », démarre Louis Cailliez, disant sa « fierté de [se] lever pour lui » dont « l’honneur a été jeté aux chiens et la présomption d’innocence bafouée comme rarement ».
L’avocat entend mettre « un clap de fin à ce film » dans lequel son client a été « présenté comme le bras armé d’une violence systémique ».Dans sa bouche, au contraire, Marc-Antoine C. est « l’antithèse du cowboy ». « Cet homme n’est pas dangereux. La police a besoin de ses qualités. » La peine requise, trois ans de prison avec sursis, « implique une radiation » affirme l’avocat, bientôt rejoint par son confrère Thibault de Montbrial, qui la voit comme « éliminatoire ». Le dernier policier, définitivement condamné aux assises en 2017, a pourtant continué sa carrière malgré une peine de cinq ans avec sursis. Mais les jurés ne le savent peut-être pas.
Pour se prononcer, Louis Cailliez les appelle à faire abstraction de tout un tas de choses : l’émotion, leurs convictions, la médiatisation, l’empathie qu’ils peuvent éprouver pour Théodore Luhaka malgré ses contradictions, l’invention d’un « mobile raciste » venu « polluer le dossier » ou encore les deux témoins non policiers, ces « fieffés menteurs ».
« Ce n’est pas une décision emblématique que vous devez rendre », ajoute l’avocat, qui défend « le caractère nécessaire et proportionné du coup d’estoc », justifié par la légitime défense d’autrui (Jérémie D., tombé au sol) et l’objectif de mener l’interpellation à son terme. Il n’y avait « pas d’alternative crédible » à ce geste « qui lui avait été préconisé, enseigné », même s’il a causé « une blessure accidentelle » et une infirmité dont le caractère permanent n’est à ses yeux pas certain.
Spécialiste de la défense des forces de l’ordre par conviction, Thibault de Montbrial dresse le tableau d’une « action de police parfaitement légitime » : « le harcèlement policier » des points de deal est une « politique publique assumée » dont « le contrôle d’identité est l’un des outils ».
« On oublie la théorie de la BST nazie, balaie l’avocat. « Personne n’a fait sa fête à Théo derrière le mur. » Thibault de Montbrial sait parler aux jurés et en appelle à leur « bon sens ». Il leur demande de « se mettre à la place » de Marc-Antoine C., qui « avait le droit » de faire ce geste malgré la blessure « terrible » qu’il a causée. « On ne peut pas faire comme si les 40 secondes d’avant n’avaient pas eu lieu », exhorte l’avocat, pour qui Marc-Antoine C. voit son collègue « servir de paillasson », « a peur » et doit finaliser cette interpellation.
« Le fait de vouloir que ça se termine vite, c’est légitime. On ne peut pas lui dire : “C’est quand tu veux, gros.” Il n’a pas
donné ses mains, il n’a pas été fouillé. On ne sait pas que c’est Théo, le gars sympa qui joue au foot. » Et de conclure : « Pour que les policiers continuent à sortir des voitures, il faut qu’ils se sentent soutenus par leur hiérarchie, mais aussi par les juges. Marc-Antoine C. ne vous demande pas de traitement de faveur. Ce jour-là, il n’a pas commis de crime. »
Après les derniers mots des accusés, vendredi matin, la cour doit se retirer pour délibérer.