Photo : Maîtres Louis Cailliez et Thibault de Montbrial, associés du Cabinet Montbrial & Associés
Affaire Théo : trois policiers jugés aux assises pour « violences volontaires » à partir de mardi
Près de sept ans après les faits, trois policiers sont jugés à partir de ce mardi 9 janvier devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis pour l’interpellation violente de Théodore Luhaka à Aulnay-sous-Bois en 2017. L’un d’eux est poursuivi pour avoir grièvement blessé le jeune homme alors âgé de 22 ans par un coup de matraque télescopique au niveau de l’anus. Une affaire révélatrice des violences policières qui avait connu un retentissement national.
Une interpellation qui tourne mal, une scène filmée par une caméra de vidéosurveillance, des émeutes, un président qui se rend au chevet de la victime à l’hôpital. Et maintenant, l’heure du procès. Près de sept ans après « l’affaire Théo », trois policiers comparaissent du mardi 9 au vendredi 19 janvier devant les assises de Seine-Saint-Denis. L’un d’eux, Marc-Antoine C., 34 ans, est jugé pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente chez la victime ». Il est soupçonné être à l’origine d’une blessure faite à l’aide d’une matraque télescopique, au niveau de l’anus de Théodore Luhaka, aujourd’hui âgé de 28 ans. Deux de ses collègues, Jérémie D., 42 ans, Tony H., 31 ans, sont poursuivis pour « violences volontaires » aggravées par plusieurs circonstances sur cette même victime. Un quatrième policier, témoin de la scène et mis en examen dans un premier temps, a lui bénéficié d’un non-lieu.
Un contrôle qui dégénère à la Cité des 3000
Les faits remontent au 2 février 2017. Ce jour-là, vers 17h, un équipage de la Brigade spécialisée de terrain (BST) d’Aulnay-sous-Bois composé de quatre policiers procédaient au contrôle de plusieurs individus regroupés dans le secteur de la Rose des Vents. Une zone connue comme un lieu de revente de produits stupéfiants dans la Cité des 3000. Rapidement, l’intervention avait dégénéré, avant que Théodore Luhaka ne soit conduit au commissariat. Dans les locaux de la police, le jeune homme présente un important saignement au niveau des fesses. Transporté par les secours à l’hôpital Robert Ballanger, le jeune homme alors âgé de 22 ans est ausculté. Son examen médical conclut à une perforation rectale nécessitant une intervention chirurgicale en urgence. Une ITT de 30 jours lui est prescrite. Entendu sous le régime de la garde à vue, il affirme qu’un policier lui a introduit un tonfa dans l’anus au cours de son arrestation, assurant avoir entendu l’agent prononcer ces mots : « Il saigne du fion ». À l’époque, Théodore Luhaka, à qui François Hollande avait rendu visite à l’hôpital, évaluait la douleur à 10 sur une échelle de 1 à 10. Placés en garde à vue au lendemain de cette intervention, les quatre policiers avaient livré leur version des faits et avaient tous faits des déclarations similaires sur les circonstances de l’interpellation du jeune homme. Marc-Antoine C. avait reconnu avoir fait usage de sa matraque télescopique alors que Théodore Luhaka lui assénait des coups de pieds. Il a toujours nié avoir voulu pénétrer le jeune façon avec sa matraque. Mis en examen pour viol dans un premier temps, l’agent avait vu ces poursuites écartées par la juge d’instruction en charge de l’enquête, faute d’éléments suffisants. Cette question du viol sera au cœur du procès. Jérémie D. est quant à lui poursuivi pour avoir notamment violemment bousculé Théodore Luhaka contre un muret, lui portant un coup de genou et en l’aspergeant de gaz, tandis que son collègue Tony H. est accusé d’avoir donné un coup de poing au jeune homme au niveau de l’abdomen alors que ce dernier se trouvait déjà au sol.
La défense plaidera l’acquittement
Contacté par TF1info à quelques jours de ce procès qui sera particulièrement suivi, l’avocat de Marc-Antoine C. assure que son client « n’est pas coupable du crime dont on l’accuse« . Me Louis Cailliez nous indique qu’il plaidera l’acquittement. « Nous faisons confiance à la cour d’assises pour ne pas confondre l’émotion et l’application sereine du droit, loin des accusations mensongères et surréalistes de viol aggravé qui ont mis le feu aux poudres en 2017, infamie heureusement démentie ensuite par la vidéosurveillance qui a littéralement sauvé mon client.«
Selon la défense, la blessure occasionnée par la matraque du policier est un « accident dramatique absolument involontaire » et Marc-Antoine C. « n’a eu qu’un seul et unique but en donnant ce coup : aider son collègue piétiné au sol et permettre le menottage de M. Luhaka en lui faisant perdre ses appuis par l’application d’un point de douleur sur sa cuisse« . L’avocat évoque « un geste d’estoc recommandé aux policiers dans leur formation à l’emploi du bâton télescopique de défense« .
« Mon client a donc commis un geste de violence volontaire, justifié, légitime et conforme aux préconisations police d’usage des bâtons de défense en matière de maîtrise d’un interpellé auteur des premières violences et toujours en rébellion« , estime encore l’avocat, considérant que la cour d’assises devra apprécier si « le geste technique d’intervention règlementaire » pratiqué par le policier était « proportionné ou non, (…) indépendamment du résultat dommageable finalement occasionné ».
Pour les faits qui lui sont reprochés, le principal accusé encourt jusqu’à quinze ans de prison. Les deux autres jusqu’à dix ans. La victime, qui doit être entendue pendant le procès, souffre encore aujourd’hui de séquelles irréversibles.